L’artiste sénégalais Souleymane Faye venait de sortir un nouvel album Jammu Yalla, dialogue des cultures. Il revient sur sa carrière solo et les années Xalam 2 sans oublier ses projets et sa vie au Sénégal.
La démarche est assurée, le regard vif. La voix douce et avenante. Souleymane Faye est affable, il vous reçoit avec un large sourire, les bras grands ouverts. L’ancien lead-vocal de Xalam 2 est de passage à Paris. Paris justement, une ville dans laquelle il a connu un énorme succès et qu’il n’a pas revue depuis… 25 ans ! «Je trouve que la France est de plus en plus métissée et peut-être, les Français plus tolérants», lâche-t-il presque timide, voire pudique. «A notre époque [dans les années 80, ndlr], il y avait beaucoup de contrôle de police.»
Comment se sent-on quand on y revient ? «Stressé, quand j’ai appris que je devais venir jouer ici.» L’angoisse de bien faire habite l’artiste saltimbanque. Son souci premier pour ce retour dans la capitale française étant : avec quels musiciens jouer ? Alors, il décroche le téléphone pour contacter des amis musiciens et se préparer. Il est comme ça, Souleymane Faye, parolier hors pair, il a gardé un côté artisanal, sans doute un héritage de son premier métier.
Ancien menuisier ébéniste, homme de verve et de verbe, il adore polir et sculpter les mots. «L’inspiration, elle, vient de ce que je vis, vois et ressens. Mes chansons, c’est moi, c’est la société, la vie.» Comment s’articule alors cette écriture ? «Je commence toujours par le titre, j’écris ce qui me vient, sans me préoccuper des rimes ou de la musique. Quand ça coince, j’arrête. Il m’arrive de mettre trois ans à écrire une chanson !» Une écriture en wolof, naturellement. Mais aussi en français pour une plus grande ouverture. Le français sert aussi à faire de l’humour ou de la dérision comme dans le titre Français débrouillé, dans lequel il décode les mots wolof empruntés au français.
Apprendre, une préoccupation permanente
Ce va-et-vient entre les langues et les cultures est une constante dans la musique de Souleymane Faye. Il reprend ainsi le légendaire Ne me quitte pas de Jacques Brel. Le répertoire de la chanson française a nourri sa carrière et l’homme. «J’étais Go au Club Med. Je reprenais des chansons de Johnny, Goldman, Brel, Brassens… C’est comme ça que j’ai parfait mon français, ayant arrêté mes études à l’école primaire. J’y ai également appris la chorégraphie, le son, la lumière et la danse de ballet.»
Apprendre, une préoccupation permanente du sexagénaire qui fréquente la scène hip-hop sénégalaise. «Je vais voir, j’écoute. Le rap, ça me parle. Ces jeunes ont une vitalité qui me rappelle les années 60-70. Je vais peut-être rentrer en studio avec Didier Awadi», confie-t-il dans un sourire jubilatoire. Un lien générationnel important pour ce fils trop tôt orphelin de père. Une disparition qui dictera certaines décisions concernant sa carrière. Celui qui a explosé le hit parade occidental avec Xalam 2 dans les années 80 s’est réinstallé à Dakar au moment où une carrière internationale lui tendait les bras.
Une décision incomprise. «J’ai perdu mon père quand j’avais deux ans et je ne voulais pas que mes enfants vivent cette absence paternelle. C’est trop de souffrance.» Souffrance que le père ne veut pas infliger aux siens. «C’est un sacrifice, mais je ne me voyais pas vivre en Europe et envoyer de l’argent à ma famille. L’argent ne compense pas l’absence ! Je pense que mes enfants ont compris mon choix.»
Proche des siens et surtout de sa mère. Elle lui a appris la tolérance et en a fait une personne sensible, soucieuse des autres et du monde. Le monde qu’il aimerait voir plus solidaire et plus tolérant. Son dernier album aborde ainsi les thèmes de l’altérité, la tolérance, pour un dialogue des cultures et des religions. Il déplore ainsi la crise malienne.
Côté projets, «le Boy Dakar» a déjà composé une vingtaine de chansons et attend un producteur, mais n’exclut pas de s’autoproduire pour conserver sa musique et ses textes intacts. Il est comme ça Souleymane. Authentique, rebelle à l’image de Fela à qui il rend hommage dans cet album. A l’image de Fela aussi, il aimerait monter dans son Shrine à lui, un spectacle mêlant danse de ballet, musique, sons et lumière. Le type de production qu’il trouve trop souvent exporté et jamais présenté localement. Avis aux intéressés !
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