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Bob Marley: 6 février, la naissance d’une figure de proue du Reggae

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Bob Marley, de son vrai nom Robert Nesta Marley, est né le 6 février 1945 à Nine Miles en Jamaïque et est mort le 11 mai 1981 à Miami. Bob Marley fut un célèbre chanteur de reggae jamaïcain, mais également un auteur-compositeur-interprète. Bob Marley est le plus célèbre des chanteurs reggae et connut le succès de son vivant, puisqu’il a vendu plus de 200 millions de disque à travers le monde. De ce fait, la celebration du 75ème anniversaire de la figure de proue du reggae, qui aurait eu 75 ans ce 6 février, est une occasion de revoir le parcours atypique d’une star mythique dont la voix chantante à bercer les mélomanes du monde.

UNE VIE DE SOUFFRANCE
Marley a été façonné par les épreuves, les frustrations et la souffrance.

Dès sa naissance, le 6 février 1945 dans un petit hameau de la paroisse Saint-Anne, en Jamaïque, Nesta Robert Marley vient au monde avec le poids de la faute de ses parents.

Sa mère, Cedella Booker, à peine sortie de l’adolescence, était une humble paysanne noire. Son père, Norval Marley, beaucoup plus âgé, venait lui de la capitale et de la communauté blanche.

En 1945, en Jamaïque, c’est peu dire qu’un tel couple détonne et chiffonne les honnêtes gens, qu’ils soient noirs ou blancs.

Le petit Nesta (son premier prénom) doit donc s’endurcir vite. Toute sa vie, il compensera ce handicap de départ par le courage et la détermination.

Marley est un acharné de la musique.

Il arrive à point nommé : sa carrière s’inscrit dans l’évolution de la musique jamaïcaine, du début des sixties à la fin des seventies.

PÉRIODE SKA
Premier 45 tours, première déconvenue…

Dans l’excitation de l’indépendance de 1962, Marley ne veut pas passer à côté du déluge ska qui envahit les sound systems de Kingston.

Sur les conseils de son copain Desmond Dekker, il passe une audition solo chez le sino-jamaïcain Leslie Kong. Il n’a que 16 ans et est jugé par un ado encore plus jeune, déjà auteur de succès locaux, un certain Jimmy Cliff.

Hourra, « Judge not » sort (et une honnête reprise country). La chanson est loin d’être mauvaise.

Mais c’est un bide. Première déconvenue. Il y en aura d’autres…

La bande des gémisseurs chez Studio One

De la période ska, mis de côté ce premier 45 tours, il faut retenir les nombreux enregistrements à Studio One. Marley et la cohorte des jeunes chanteurs des Wailers (Bunny Wailer, Peter Tosh et quelques autres) sont alors bien entourés :

Joe Higgs, populaire dans le ghetto depuis les années 1950, faisait office de mentor pour les enfants des rues ;
Les redoutables Skatalites en backing band ;
Le mythique producteur Clement « Coxsone » Dodd et son équipe (dont l’ingénieur du son Lee Perry, pas encore « Scratch » et l’arrangeur et organiste Jackie Mittoo).
Pour une poignée de shillings et un toit au studio pour Marley, le groupe crache des skas ultra-vitaminés comme « Simmer Down » et « True Confession », des ballades (« This train », « Where is my mother ») et, déjà, des tubes en puissance (« One love », version originale, ou « Lonesome feeling »).

Le trio va endurer 10 années de déconvenues, d’arnaques par des producteurs et, malgré quelques succès locaux, la misère.

Livré très tôt à lui-même dans le bidonville de Trenchtown, où règnent la pauvreté et la délinquance, sans domicile stable, Marley s’est frotté aux fantômes de la ville. Traînant comme un boulet sa couleur de peau, il était parfois battu par les sales gosses des faubourgs.

Marley chantera malgré tout son attachement à ce ghetto qui lui a « fait le cuir » dans les très bonnes chansons « Trenchtown rock » et « (We come from) Trenchtown ».

Encore adolescents, les « Wailing Wailers » (les gémisseurs gémissants !) ont déjà sorti des dizaines de très bonnes chansons. Marley, auteur de la plupart, tient bon la barre et fascine déjà le petit monde musical de Kingston en pleine ébullition.

Pour les mentors Higgs et Coxsone, sa voix n’est pas encore très assurée, mais son potentiel créatif est énorme.

Il lui faudra pourtant franchir beaucoup de rivières jusqu’au succès.

PÉRIODE ROCKSTEADY ET EARLY REGGAE
Le chemin de croix du gémisseur

À partir de 1966, Marley quitte Studio One et entraîne avec lui ses Wailers. Ainsi se poursuit le long chemin de croix du gémisseur.

Il monte péniblement un label pendant que sa femme Rita tient une petite boutique de disques. Il tente de faire confiance à d’autres producteurs locaux, dont à nouveau Leslie Kong. Mais les ratés se succèdent.

Les collectionneurs, eux, ne s’y trompent pas et se régalent des « Bus them shout », « Hypocrites », « Thank you Lord », ou « Nice time », écrits à cette période.

Marley se découvre peu à peu « rastafari » et chante le surprenant « Selassie is the Chapel », adapté d’une chanson d’Elvis Presley.

Il enregistre aussi deux de ses plus incroyables chansons.

« Hurting inside » d’abord. Remise au goût du jour par le coffret « Songs of freedom », cette merveille reste très méconnue. Mal enregistrée, la meilleure version reste acoustique (sur cassette amateur malheureusement). Écoutez et vous verrez.

« Caution » ensuite. Ce chef d’œuvre ne passera jamais sur NRJ et Nostalgie. Ne laissez pas passer votre chance et consacrez-y trois minutes avec votre café du matin.

La discographie 1966 -1970 est énorme, par la qualité et la quantité. Par la déception aussi : les Wailers essuient échec sur échec, vivent misérablement et sans joie.

Première tentative de percer le marché mondial, nouvel échec

Ça ne s’arrangera pas avec la première tentative de percer le marché mondial. Le producteur américain Danny Simms et son associé chanteur, Johnny Nash, pensent avoir trouvé la perle rare qu’ils cherchaient en Jamaïque.

Mais le résultat est pompier et ne marche pas (malgré de belles choses comme « Mellow mood »).

Seul Nash cartonne avec son « I can see clearly now ».

Médiocre chanteur, jaloux du talent de Marley, il lui emprunte des compositions, comme « Guava Jelly ». Une chanson plus tard reprise par Barbra Streisand et… Claude François, qui l’a massacrée et rebaptisée « Rubis », probablement sans connaître l’auteur de la chanson.

Marley n’a pas ménagé ses efforts pour percer, allant jusqu’à suivre Simms et Nash pour le tournage d’un film (Vill så gärna tro ou Want so much to believe, navet intégral).

Colombia Records, qui chapeaute le tout, n’en a cure. La major ne croit pas au reggae, et encore moins à ce rasta sauvage et taiseux. Tant pis pour eux.

LE SUCCÈS AVEC LEE « SCRATCH » PERRY
En 1970/71, après 10 ans d’efforts, Marley est enfin numéro 1 à Kingston aux côtés du fantasque Lee « Scratch » Perry, qui a pris son indépendance et est devenu incontournable aux temps du early reggae.

Pour certains fans, cette collaboration est la plus fructueuse et la plus géniale de son œuvre.

De fait, toutes les chansons qui en sortent sont d’absolus « must hear » (« Keep on moving », « Don’t rock my boat », « African Hebsman », « Soul Rebel »).

De gros succès en Jamaïque, mais une diffusion « outta Yard » limitée à quelques Européens branchés.

De cette période, l’auteur de ses lignes a sa préférence pour « Jah is mighty » (version rare du « Corner stone »). Concentré parfait de chœurs des Wailers et du chant de Marley, la chanson est sous haute tension et toute en gammes ascendantes jusqu’au final des « hallelujah ».

Mauvaises fréquentations et embuscade dans la nuit

Marley est alors inconnu du public international mais star des ghettos bouillants de Kingston. Même s’il s’est attaché à garder ses distances avec la politique, il n’a jamais renié ses mauvaises fréquentations de jeunesse. Ses copains gavroches sont devenus des rude-boys et pour certains des gunmen à la solde du JLP (de droite) ou du PNP (de gauche). En bon paysan, Marley était plutôt dans le cœur de cible du poujadisme du JLP, même s’il a cru (peu de temps) aux promesses du socialiste Normal Manley.

Marley lui-même était très dur. Personne n’embêtait plus le « tuff gong ».

Plus tard, en 1976, Marley a failli payer de sa vie ses amitiés douteuses. Victime d’une tentative d’assassinat (racontée dans le morceau « Ambush in the night »), Marley reçoit plusieurs balles mais en réchappe. On ne connaît aujourd’hui ni les auteurs ni les commanditaires, probablement des hommes de main du PNP ou du JLP. Netflix s’est récemment intéressé à l’affaire, produisant un documentaire qui surfe sur la rumeur d’un mauvais coup de la CIA.

Malgré tout, au One Love Peace concert de 1978, Marley réussira l’exploit de faire monter sur scène les deux ennemis politiques, Edward Seaga (JLP) et Michael Manley (PNP, alors au pouvoir). Face à la foule hurlante, sur la demande insistante et autoritaire de Marley, les deux sont contraints de surmonter leur dégoût et se prennent la main. Une photo pour l’histoire, mais la trêve sera de courte durée. Les élections suivantes de 1980 sont un bain de sang : plus de 800 morts.

PÉRIODE ISLAND
Retour en 1972. Le riche producteur Chris Blackwell, patron de Island records, vient de chiper les Wailers à Colombia. Il ne fait pas la même erreur et met le paquet.

Dernières harmonies des Wailers originels, Bob, Peter et Bunny

Voilà que sortent les albums « Catch a fire », puis « Burning ». Le premier est un succès critique. Le second un succès tout court, notamment grâce à la reprise du « I shot the sheriff » par Clapton.

Ces deux albums sont incontournables. Ils comportent les dernières chansons en trio de Bob, Peter et Bunny. Des tubes (« Stir it up », « Kinky reggae », « Get up stand up » et « I shot the sheriff »), de bonnes versions de succès sound systems (« Concrete jungle », « Put it on ») et surtout des bijoux harmoniques comme « Midnight ravers » et le splendide « Burnin’ and Lootin’ ». Vous avez entendu cette chanson dans La haine de Mathieu Kassovitz. Comme quoi on peut être odieux et avoir bon goût.

1974, Bunny et Peter quittent le navire. Le premier ne veut pas d’une carrière internationale. Le second, trop fier, ne veut plus jouer le second rôle.

Bob Marley et le triomphe international

Sans ses compagnons de galère, Marley reconstitue une équipe de choc :

aux chœurs, sa femme Rita et deux chanteuses venues du rocksteady, Marcia Griffiths et Judy Mowatt, forment les I-threes ;
pour la musique, les expérimentés frères Barrett (Carlton et Aston) mènent le bal et les jeunes talents comme l’organiste Tyrone Downie ;
les compagnons de route sont nombreux, dont les figures rasta Seeco Patterson et Mortimer Planno. Ce dernier tire sa gloire de la venue de l’Empereur Haile Selassie en 1966. Effrayé par la foule anarchique venue l’accueillir, le dernier roi des rois avait fini par sortir de l’avion rassuré par Planno, ambassadeur rasta auto-proclamé.
Les albums de cette dernière partie de carrière regorgent d’énormes tubes (« Roots, rock, reggae », « Is this love », « Jamming », « One love », « Could you be loved », « Redemption song »…).

Les puristes dédaignent volontiers la période. Grave erreur.

On ne peut pas passer à côté de « Them belly full », « Talkin’ blues » et « Revolution » de l’album « Natty dread », cris de rage du Marley qui a faim, dort dans la rue et prépare sa revanche.

L’album « Rastaman vibration » défend les descendants d’esclave (« Night shift ») face aux oppresseurs (« Crazy baldhead ») et rappelle que la couleur de la peau d’un homme n’a pas plus d’importance que celle de ses yeux (« War », tiré d’un discours de Haile Selassie).

« Exodus », l’album suivant, est une succession de tubes ultra-efficaces. La chanson éponyme a marqué les esprits, comme, dans un tout autre registre, les bluettes « Waiting in vain » et « Turn your lights down low ». Marley est un homme à femmes et, en dragueur invétéré, savait leur parler.

Avec « Survival », pas de gros succès, mais que des trésors. Marley ouvre ses textes aux décolonisés (« Zimbabwe », nouvel hymne officieux du sinistre Mugabe), au continent de ses ancêtres noirs (« Africa unite ») et aux « sufferers » du monde entier (« Babylon system »). Dans cette dernière chanson, qui ne laisse pas indemne, il est au sommet de son art.

Dernier album de son vivant, l’excellent « Uprising » condamne les paradis artificiels (« Pimpers paradise ») pour mieux vanter les vertus du travail (« ») et tenir bon face aux épreuves (« Real situation »).

TRAVAILLEUR INFATIGABLE, LE LION REVIENT AU CHRIST ET MEURT AU SOMMET DE SA GLOIRE

Marley a toujours été un travailleur infatigable.

Enfant, il était gardien de chèvres à la campagne. Adolescent, apprenti soudeur à Kingston. Jeune adulte, il a expérimenté le taylorisme dans une usine de montage Chrysler dans le Delaware.

En studio, il épuisait ses musiciens par son perfectionnisme quasi-tyrannique.

Les prestations en concert des Wailers impressionnent aussi. Le rythme est volontairement accéléré, davantage de place est laissée aux guitares électriques pour le public européen habitué au rock. Marley apparaît survolté, secoue ses dreadlocks et son visage se tord. C’est du sérieux. « No woman no cry » plus grand succès de Marley, est connu pour sa version « live », surpassant celle enregistrée en studio.

À la fin de sa vie, torturé par un mélanome, Marley dissimule ses souffrances et honore courageusement chacune de ses dates. En 1980, au Brésil, il chante l’émouvant « Pray for me », dont la seule trace conservée est sur une mauvaise cassette.

Dans ses dernières années, il revient en secret au Christ, qu’il n’avait en fait jamais vraiment abandonné. Le voici désormais chrétien orthodoxe, suivant la fascinante Église d’Ethiopie, une des plus anciennes du monde, isolée depuis le concile de Chalcédoine de 451. Son nom de baptême : Berhane Selassie, Lumière de la Trinité.

Malgré une tentative de thérapie révolutionnaire du Docteur Joseph Issels, ex-médecin SS, le lion succombe à seulement 36 ans, le 11 mai 1981 (soit le lendemain de l’élection de Mitterrand, qui a largement étouffé la nouvelle en France).

HÉRITAGE
Marley laisse à sa mort une discographie immense, brièvement présentée par votre serviteur.

Et c’est sans compter les nombreuses chansons sorties après sa mort (« Buffalo soldier », « Iron, Lion, Zion », « I know a place »), ou jamais sorties (« Son of a gun », « Couldn’t resist », « Babylon feel this one », « Bass is heavy »).

Marley a beau être célébrissime, 90 % de son œuvre est encore aujourd’hui une affaire de spécialistes et de collectionneurs. Il ne fait guère de doute qu’avec n’importe quelle promotion un peu sérieuse, chacune des chansons citées dans cet article aurait figuré en bonne place dans le top 50.

En réalité, Marley, ce n’est que des tubes. Dont des centaines ont échappé aux oreilles du grand public.

Il n’est jamais trop tard pour rattraper le temps perdu…

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Djiby SENE

Journaliste et Blogueur, Fondateur du Blog de la Jeunesse Consciente.

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