Les enjeux de la redynamisation de l’axe Washington-Ryad
Analyse – Avec une imagination créatrice et un optimisme raisonné, le spécialiste des questions internationales de la 45e promo du CESTI, Jonas Bassene décrypte les enjeux de la nouvelle alliance de l’administration Trump avec Ryad.
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Décidément, le pouvoir a ces réalités. Le candidat Trump anti système, antimusulman vient de le démontrer. Lui qui vociférait devant les foules nostalgiques d’une Amérique agraire vient de courber l’échine devant les milliards Saoudiens.
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En s’engageant à équiper militairement Riyad à hauteur de 300 milliards de dollar, Washington signe un nouveau départ dans sa relation avec le Royaume Al Saoud. Plusieurs équipements modernes, des formations aux troupes seront fournis par les USA. Cette nouvelle collaboration entre deux anciens alliés, réchauffe une relation diplomatique qui a connu des soubresauts avec l’administration Obama. La tergiversation du président américain sortant après l’utilisation du gaz sarin, en avril 2013 par le régime Assad, contre les rebelles avait plongé le roi Salman dans un état d’inquiétude. La réaction tant attendue des USA sur l’affranchissement de la fameuse ligne rouge n’a jamais eu lieu. Le royaume qui devenait plus méfiant envers les Etats unies voyait d’un mauvais œil les efforts de négociation qui ont abouti à la réintégration de Téhéran sur la scène internationale après l’abandon du projet nucléaire militaire. Une étape qui a permis à l’Iran de se relancer dans le jeu des puissants qui mènent une guerre par procuration depuis presque cinq ans en Syrie, en Irak au Yémen. Par ailleurs, limiter la mésentente entre les deux alliés (Arabie Saoudite et USA) sur un conflit opposant les deux nations chiites et sunnites est une vision réductrice. L’Arabie Saoudite s’était toujours opposée à l’invasion de l’Irak, un pays avec lequel, elle partage une frontière, qui a fait tomber le régime de Saddam Hussein et installer un pouvoir Chiite proche de l’Iran.
Dès lors, il était peu probable de prédire une relation au beau fixe avec l’administration Trump. Le clan Saoud qui a toujours soit soutenu les démocrates, soit les républicains avait assuré 20% des fonds de campagne électorale 2016 de la démocrate Hilary Clinton. Et ceci, malgré la réticence des conservateurs qui s’opposent à une présidence incarnée par une femme. Toutefois, la déclaration de Trump d’interdire les musulmans d’entrer aux Etats unis, s’il est élu a réduit la détermination des Saoud à lui barrer la route. C’est pourquoi le prince Al Waleed Bin Talal déclarait que Trump ne va « jamais gagner ».
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Mais, si par le passé le pétrole Saoudien avait aiguisé les appétits des américains avec la première collaboration de l’entreprise américaine Texaco pour l’exploitation de l’or noir en 1933, depuis l’exploitation du pétrole et gaz de schiste, les Etats unis semblent avoir moins d’intérêts à Riyad. Le retrait des militaires formateurs après la bavure qui a fait plusieurs victimes dans un hôpital de médecin sans frontière au Yémen en 2016, constitue un argument supplémentaire.
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Sans compter le soutien permanent que Washington apporte à l’Etat Hébreux dans la région. Une attitude qui d’ailleurs a laissé l’Arabie Saoudite sceptique dans sa relation avec les Etats unis. Aujourd’hui le royaume des Al Saoud s’apprête à ouvrir une nouvelle page dans sa coopération avec les USA. C’est ce qui explique la nomination du prince royal, Khaled sin Salman, comme ambassadeur à Washington au lendemain de l’élection de Trump. Mieux, Riyad semble prêt à repartir sur de nouvelle base avec l’administration américaine : le Royaume a dès les premières heures salué les frappes chirurgicales américaines sur les bases de l’armée loyale, en Syrie après l’usage des armes non conventionnelles. Ces réactions du président Trump sur le dossier Syrien, son tempérament belliqueux sur les accords obtenus du nucléaire Iranien, ont redynamisé la coopération entre les USA et le royaume Wahhabite. Cependant, vu son caractère contradictoire par moment, Donald Trump est susceptible de déchirer cette nouvelle page pour un Amérique d’abord.
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Jonas Bassene – CESTI