Suspecté d’avoir tué son ex-compagne lundi dernier au Havre, Idrissa Touré aurait fait subir des violences psychologiques à la victime depuis des années. Une amie témoigne.
Quelques secondes avant le drame, Houleymata a eu son amie au téléphone : « Johanna voulait arranger les choses pour le bien de ses enfants ». Juste avant de raccrocher, Johanna Tilly lui aurait dit que son ex avait récupéré les enfants et qu’il ne voulait plus les lui rendre. Un instant plus tard, lundi, vers 13 h, Idrissa Touré s’est acharné sur son ex-compagne en lui donnant quatorze coups de couteau, en présence de leurs enfants de 2, 4, et 6 ans, devant un supermarché, rue des Briquetiers, au Havre (nos éditions d’hier). Avant d’être interpellé. Quelques minutes auparavant, Johanna était attablée, avec ses petits, dans un kebab. « Elle venait de les prendre à l’école. C’était en principe au père de les récupérer, mais il a prévenu sa mère qu’il ne pouvait pas. C’était faux, c’était pour la suivre, comme souvent », est persuadée Houleymata. Le père de 37 ans, cuisinier de profession, a alors débarqué dans le kebab avant de s’asseoir à leur table. « Ils avaient l’air de se disputer », explique le gérant. « La femme est venue voir mon frère pour demander d’appeler la police si jamais son ex devenait agressif », témoigne le commerçant. Le père est parti avec ses enfants. La mère est sortie pour téléphoner. « C’est à ce moment-là qu’elle m’a appelée en me disant qu’Idrissa lui avait encore parlé de la garde des enfants. Je lui ai conseillé de les récupérer, calmement », raconte Houleymata. Selon la version présentée par le procureur du Havre, François Gosselin : « La mère allait les chercher à la sortie de la mi-journée, et convenait avec le mis en cause de se retrouver dans un kebab où il ramenait le cadet. Une dispute survenait dans cet établissement au sujet des enfants, et le père les emmenait à l’hypermarché voisin pour leur acheter des glaces, la victime les attendant dans le kebab ».
« Fragile »
Peu de temps apr3ès, l’acte fatal s’est déroulé. « La caissière de la grande surface ne rapportait aucun comportement3 particulier d’excitation du père, et c’est alors qu’ils sortaient du magasin que, selon l’intéressé, sa compagne l’aurait interpellé à nouveau au sujet de la garde des enfants et qu’il l’agressait avec le couteau dont il se disait habituellement porteur en raison de menaces dont il aurait fait l’objet », explique le procureur. Pour Houleymata qui accueillait Johanna et ses enfants tous les jours chez elle, celle qu’elle considérait comme sa « sœur » était « fragile, sensible » et « très fatiguée » de la situation. « Il connaissait ses faiblesses. Ça faisait sept ans et demi qu’ils étaient ensemble. Ils s’étaient connus sur les réseaux sociaux. Au départ, elle était aveuglée par l’amour. Elle faisait tout à la maison, il l’envoyait acheter de l’alcool tard le soir. Et elle était surtout victime de violences psychologiques. Elle avait peur. Mais depuis mars – avril, elle avait décidé de rompre », explique l’amie. D’après le magistrat, depuis mai, « la victime avait informé les services sociaux de sa volonté de se séparer, et des demandes de logements sociaux avaient » été faites. Le 29 juillet, « elle sollicitait à nouveau les services, qui obtenaient une place au Service d’accueil d’urgence des femmes (Sauf) » dès le 31 juillet. « Elle ne rejoignait pas cet hébergement, et déposait une main-courante au commissariat du Havre le 10 août, indiquant que le climat était tendu, mais qu’il n’y avait pas de violence (…) ». Le 11 août, la police « intervenait au domicile commun, que la jeune femme disait avoir quitté en passant par la fenêtre de l’appartement », menacée par son compagnon avec un couteau ainsi que d’étouffement. Faute d’éléments suffisants, la plainte a été classée sans suite. Tout comme une première plainte en 2014. Après ces faits du 11 août, elle a été « hébergée chez sa sœur, (…) puis accueillie au foyer Sauf. En attente d’une décision de justice quant à leur garde, les enfants étaient pris en charge tour à tour par chacun des parents », ajoute le magistrat. Lors de sa garde à vue, le suspect « dit avoir agi par crainte que la victime ne le prive de ses fils ». L’homme qui ne souffre d’aucune « affection psychiatrique » doit être déféré et mis en examen pour meurtre aujourd’hui. Houleymata est persuadé qu’il avait l’intention de la tuer. « Il lui a déjà dit qu’il préférait que ses enfants aillent en famille d’accueil parce qu’il l’avait tué, plutôt qu’elle en ait la garde ».
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