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Portrait du fondateur des Instituts ALHAZAR, Cheikh Mouhamadoul Mourtada Mbacké

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Au tribunal de l’Histoire, certains Hommes n’auront besoin ni de plaider ni de se justifier tant leurs nobles œuvres parleront d’elles mêmes. Cheikh Mouhammadoul Mourtada est une de ses figures de l’Histoire de l’Humanité. Paradoxalement il n’aimait pas disserter sur ses bonnes œuvres. Il disait toujours: «Dieu les a vu.» N’est-il pas écrit dans le noble Coran : «Œuvrez ! Allah voit vos œuvres ainsi que le Prophète et les musulmans».
Mais ce « gardien du temple », rénovateur et acteur inlassable de l’Islam savait que le monde n’est guère un spectacle. Il avait conscience de sa mission de défenseur de la foi. Il aidait les gens simples à raffermir leur croyance et cela par une voie qui leur était accessible, dans un monde dominé par le matérialisme et le culte de l’argent, surtout facile.

Un visionnaire

Après des études islamiques au Sénégal et en Mauritanie, Cheikh Mourtada comprit vite qu’il faudrait au Sénégal des écoles prodiguant des connaissances islamiques dignes de ce nom mais alignées sur le système officiel. En clair, des écoles modernes avec des formations diplà´mantes comme l’exige notre époque.
Quand cheikh Mourtada a commencé à nourrir un tel projet, le Sénégal n’était pas encore indépendant. Il en fit part à Serigne Fadilou Mbacké, Khalife Général des Mourides, qui le félicita, l’encouragea. Cheikh Mourtada rédigea une lettre à l’attention du gouverneur de l’Afrique Occidentale Française dont la capitale était Saint-Louis. Serigne Fadilou y mit son sceau. Pour éviter toute mesure dilatoire ou prétexte imaginaire il fit le tour des chefs religieux du Sénégal en commençant par Serigne Cheikh Mbacké, fils aîné de Cheikh Moustapha Al-Karim, premier khalife des Mourides et grand intellectuel. Il rendit visite ensuite au savant et fin analyste Serigne Bassirou Mbacké, fils et biographe de Cheikh Ahmadou Bamba. Ce dernier approuva le projet et mit son sceau. Cheikh Mourtada présentera le projet à El hadji Abdoul Aziz SY, Cheikh Bou Kounta Ndiassane, Elhadji Seydou Nourou Tall et Elhadji Ibrahima NIASSE de Médina Baye qui donnèrent tous leurs signatures. Ce dernier, en plus d’y apposer la sienne, lui remit cinquante sacs de mil. En somme, Cheikh Mourtada avait recueilli l’assentiment de la totalité des religieux du Sénégal. C’est fort de ces soutiens qu’il porta lui-même la lettre au Gouverneur en 1958.

En 1963, Cheikh Mourtada accomplit le pèlerinage à la Mecque. Une semaine après son retour la Grande Mosquée de Touba est inaugurée par Serigne Fadilou Mbacké, Khalife Général des Mourides. En 1964 il retourne visiter la plupart des pays arabes dont l’Irak, le Liban et l’Arabie Saoudite. C est d’ailleurs au cours d’un de ses voyages en Egypte qu’il se rend à l’université Al Azhar du Caire o๠il signe un protocole d’accord pour sa chaîne d’écoles. L’université millénaire s’engage à l’accompagner en moyens humains et matériels. C’est par considération pour ce pacte que Serigne Mourtada baptisera ses écoles Institut Al Azhar.
Jusqu’en 1967 le projet n’est pas sorti de terre à cause d’obstacles administratifs et financiers mais le Cheikh ne se découragera guère. C’est à son accession au khalifat en 1968 que Serigne Abdoul Ahad ordonna à Serigne Moustapha Bassirou de former une commission pour concrétiser un projet aussi ambitieux que salutaire pour l’éducation au Sénégal. C’est ainsi qu’en 1975 la première école est ouverte à Ndaam. Le décret présidentiel ne sera publié qu’en 1978, soit trois ans plus trad.
Le président Senghor, qui n’était pas enchanté par le projet, usera de tous les subterfuges pour le bloquer, allant jusqu’à suggérer un format de chaînes d’écoles laà¯ques mais sans subvention de l’Etat. D’ailleurs, lors d’une audience avec le président, Cheikh Mourtada fera remarquer à ce dernier que si la démocratie est la loi de la majorité, il est tout à fait légitime qu’un pays comme le Sénégal, majoritairement musulman, puisse enseigner l’Islam à ses enfants. Senghor ne répondra jamais à cette remarque.

Cheikh Mourtada avait compris que pour avoir une communauté responsable et éclairée la voie royale était l’éducation et la formation. Ainsi fit-il sien l’adage du Prophète(PSL) qui dit : «Construisez des écoles avant de construire des mosquées». Mais le grand mérite de Cheikh Mourtada est qu’en lieu et place d’écoles traditionnelles se débrouillant avec des moyens rudimentaires allant du feu de bois pour s’éclairer aux tablettes en bois comme support didactique, de l’encre artisanale aux plumes en bambou, l’homme a su inventer l’école- daara. Dans les centres d’apprentissage, le tableau et la craie remplacent les tablettes en bois; les tables-bancs supplantent les nattes en paille ou en peaux de bête. Le cahier, le stylo et la machine à calculer font leur entrée dans les centres d’enseignement des humanités islamiques au Sénégal. Des humanités tout court. Autant dire une véritable révolution culturelle à l’époque. Nul doute que si Cheikh Mourtada vivait encore aujourd’hui il investirait dans les tableaux numériques et les tablettes en tous genres pour le confort des apprenants. Il est de ces hommes qui savent faire la différence entre la fin et les moyens. En fin stratège, il a su mettre en orbite un système académique qui, en termes d’organisation et d’exigence pédagogique, a les mêmes ambitions qu’un système soutenu par l’Etat. Et cela en dépit du fait qu’il ne disposait guère des mêmes moyens financiers et humains. Contrairement au système des daaras traditionnels, les élèves en sortent avec des diplà´mes allant du Certificat d’études primaires au Baccalauréat en passant par le Brevet .Les écoles Al Azhar essaimeront partout au Sénégal offrant le nectar de la connaissance à des milliers de Sénégalais qui n’auraient jamais été à l’école. En effet, nombre de parents n’avaient aucune confiance dans l’école dite officielle avec ses programmes complètement décalés de la réalité sénégalaise et pétrie de plans inavoués. D’autres parents, même s’ils souhaitaient envoyer leurs enfants à l’école, n’en avaient simplement pas les moyens. De plus, à l’époque, dans beaucoup de localités au Sénégal il n’y avait pas d’écoles. Les plus motivés arpentaient des kilomètres pour franchir le portail d’un lieu d’apprentissage aussi bien dans les villages que dans les villes. En effet, dès la fin du cycle primaire, l’élève qui souhaitait poursuivre ses études devait abandonner père, mère, frères et sÅ“urs pour rejoindre une famille d’accueil dans les endroits o๠étaient implantés les Centres d’Enseignement Moyen Général. Le projet de Cheikh Mourtada a complètement changé la donne.

A son rappel à Dieu le 7 aoà»t 2004, Cheikh Mourtada laissera 287 écoles à la nation sénégalaise. Cette année-là , 34 759 garçons y étaient scolarisés. Les filles étaient au nombre de 14 428. 319 enseignants étaient payés par Cheikh Mourtada sur fonds personnels.
En digne héritier, Serigne Mame Mor Mbacké a repris le flambeau. D’emblée, il s’est attaqué à la question de l’Enseignement Supérieur en construisant. Il est entrain de construire à Ndaam, l’Université Cheikh Ahmadou Bamba (UCAB) d’un coà»t global de plus de 6 milliards de francs CFA. Les centres Al-Azhar ont pu commencer l’enseignement professionnel avec des diplà´mes de Technicien Supérieur communément appelés BTS. Le BTS en électro-mécanique est déjà effectif tandis que les cycles de formation en agriculture, en élevage, en santé communautaire et en traduction et interprétariat démarreront sous peu. C’est conscient de ce dynamisme que l’Etat du Sénégal a signé une convention avec l’Institut afin que des bacheliers en langue arabe venant d’un peu partout dans le pays puissent intégrer les cursus supérieurs d’Al Azhar. Ironie de l’Histoire !

Cheikh Mourtada, l’Entrepreneur Social

Cheikh Mourtada, l’ouvreur de voies, était conscient du fait que la pauvreté est un obstacle majeur pour une foi sincère et une adoration sereine. Pour faire face à ce fléau, il initia des sociétés créatrices d’emploi et de richesses dans les secteurs primaires comme tertiaires de l’économie sénégalaise.
Il révolutionna le système des transports en commun au Sénégal en lançant Al Azhar Transports qui créa plus de 300 emplois directs. Autant dire un réel débouché pour les élèves sortis sans perspectives du système éducatif classique. Jusqu’à ce que Cheikh Mourtada eà»t cette idée de génie, le voyageur sénégalais ne pouvait compter que sur les cars dits NDiaga Ndiaye et d’autres fourgonnettes réaménagées.

Grâce à Cheikh Mourtada, les voyageurs sénégalais découvrent les bus en nombre important. En plus d’être plus confortables, les places sont financièrement à la portée des Sénégalais. Aussi, les bus prennent leur départ dans les quartiers populaires. Marque de fabrique de ce système de transport, le voyageur ne rate aucune des cinq prières quotidiennes. A l’heure de l’office, le conducteur rejoint l’aire de stationnement aménagée à cet effet afin que les voyageurs puissent faire leurs ablutions et s’acquitter de leurs obligations rituelles. Les cinq prières canoniques seront éternellement reconnaissantes à Cheikh Mourtada.
Cheikh Mourtada venait ainsi d’inaugurer la voie de la modernisation du système des transports interrégionaux au Sénégal. Des entrepreneurs ont retenu la leçon si bien que les bus foisonnent aujourd’hui et relient les quatre coins du Sénégal.

Dans le domaine alimentaire, Cheikh Mourtada installa des boulangeries en nombre avec des recommandations fermes sur les qualités gustatives du pain au grand bonheur du consommateur. Il se lança également dans l’agriculture et le maraîchage. Les retombées financières étaient au service exclusif de l’islam et de sa communauté. Cheikh Mourtada était pleinement conscient des calvaires que certaines personnes ayant consacré leur vie au service de l’Islam et de la communauté enduraient au moment de vivre leurs vieux jours. C’est ainsi qu’à sa disparition en 2004 la liste des bénéficiaires de ses Å“uvres à caractère social était arrêtée à 700 personnes. L’allocation la plus faible était de 20 000 FCFA par mois. Nous sommes bien au Sénégal, pays où certains retraités ayant cotisé des années durant ne perçoivent que 15 000 voire 10 000 FCFA par trimestre.

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Djiby SENE

Journaliste et Blogueur, Fondateur du Blog de la Jeunesse Consciente.

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