🔴Portrait – Sidy Lamine Niasse, défunt Pdg du groupe Walfadjri, un arabisant entre presse et pouvoir
Décédé à l’âge de 68 ans, Sidy Lamine Niasse, fils de El Hadj Mohamad Niasse (1881-1959), grand savant, écrivain et homme de Dieu, a vécu pleinement sa vie. Homme de média, acteur dans la vie publique, il a été à lui seul un contrepouvoir.
A 68 ans, il n’avait pas pris sa retraite. Mais, elle a été décrétée par la grande faucheuse, toujours avide de vie humaine. Sidy Lamine Niasse est décédé hier à la suite d’un foudroyant arrêt cardiaque à l’hôpital Principal de Dakar. Fin de parcours d’un homme qui a donné un sens à sa vie. Il n’a que 34 ans et déjà l’assurance et l’énergie qui le caractériseront durant toute sa vie. En janvier 1984, il crée le bimensuel Walfadjri. C’est l’aurore de la presse privée parce que c’est la première fois qu’un journal privé apparaissait dans les kiosques. A travers cet acte, il impose naturellement son style percutant. Sidy Lamine n’a pas 40 ans, mais il a devant lui un avenir radieux. Il fait partie d‘une génération jeune et ambitieuse, qui doit booster les médias privés. En novembre 1997, les éléments de la postérité, qui se jouera dans les années suivantes, sont déjà en place. Le «patron idéal», comme on l’appelle, vient de grandir son entreprise de presse.
En novembre 1997, Walf Fm émet après qu’il a réussi à faire de Walfadjri l’Aurore un quotidien en 1993. La télé suivra. Ce patrimoine médiatique fait de Sidy Lamine, l’un des hommes les plus influents et controversés du Sénégal. C’est un arabisant, qui a toujours pensé que les médias permettaient de contenir la rage, les désillusions, la solitude du Peuple. Jusqu’au bout, Sidy a lutté pour la vérité. Ses idées. «La presse a perdu un homme de démocratie. Car Sidy avait choisi son camp, celui de la démocratie et il a eu la vie dure, car son combat était perçu comme un combat contre le gouvernement, ce qui était faux», témoigne Mbaye Sidy Mbaye, ancien directeur exécutif du groupe Walfadjri, à la naissance de Walf Fm. A travers la ligne éditoriale de son groupe, il entend s’approcher au plus près des «gens» et de leurs problèmes. Le style survitaminé de l’enfant de Kaolack ne se polit pas. Il conserve toujours son débit de religieux et arpente son plateau avec une assurance dogmatique. Mais l’empreinte de Sidy Lamine se retrouvera bien au-delà des émissions qu’il anime, des opinons qu’il donne sans fioritures. Il cristallise ainsi des critiques et son groupe subit parfois des attaques presque létales comme le saccage de Walf en 2009. Cet acte contraindra l’Etat à l’indemniser.
Dans sa vie, il se fait aussi médiateur et dénoue des crises comme en 2014 en obtenant auprès de Macky l’autorisation de la manifestation de l’opposition durant le sommet de la Francophonie à Dakar. Son succès l’a installé comme une figure marquante du pays. Il est présent lors des grands rendez-vous publics, marche pour la liberté de la presse, jouit aussi d’une certaine influence. Grâce à son influence dans le Golfe, le défunt Pdg de Walf permit à Abdou Diouf de raffermir les relations entre le Sénégal et les pays arabes. Sidy joue un grand rôle dans l’organisation du sommet de l’Oci en 1991. Me Wade a bénéficié aussi de son entregent pour renouer le fil… de la diplomatie avec Téhéran après la saisie d’un bateau iranien rempli d’armes à destination de Banjul. Pourtant, les contradictions étaient figées à l’époque.
Dans sa trajectoire, l‘homme des médias bien sûr prend le dessus sur le religieux. Diplômé de droit et de jurisprudence islamique à l’université Al-Azhar du Caire, M. Niasse commence sa vie professionnelle par l’enseignement arabe. Il le fait de 1971 à 1975. Autant, il a été enseignant et homme de médias, il a été aussi essayiste. Il a publié Système islamique : dimensions et perspectives, Sharifou ou la fin de l’obscurantisme, Un arabisant entre presse et pouvoir, Abdoulaye Wade, un Président par défaut, L’étranger parmi les siens. Jusqu’au bout, il aura vécu sa vie pour le triomphe de ses idéaux. Jusqu’à livrer cette ultime bataille avant de sombrer dans le sommeil éternel. Cette fois-ci, c’est le crépuscule à Kaolack où il naît le 15 août 1950.
Bocar Sakho