đŽCheikha Maryama Niass: Une vie consacrĂ©e Ă la vulgarisation du coran
Cheikha Maryama Niass (1932-2020), fille de Cheikh Ibrahima dit Baye Niass (1900-1975), rappelĂ©e Ă Dieu samedi Ă Dakar, Ă lâĂąge de 88 ans, Ă©tait durant toute sa vie au service exclusif du Coran, au point dâĂȘtre surnommĂ©e Khadimatoul Khourane (celle qui est au service du livre saint), Ă MĂ©dina Baye, dans la commune de Kaolack (centre).
 NĂ©e en 1932 dans la bourgade de Kossi (dĂ©partement de Kaolack), un lieu dâune prĂ©cieuse mĂ©moire pour la naissance de la Fayda Tidjania, cette science gnostique dont Cheikh Ibrahima Niass dit en ĂȘtre lâincarnation, Cheikha Maryama Niass sâest trĂšs vite initiĂ©e au Coran, sous la direction de son vĂ©nĂ©rĂ© pĂšre, dĂšs 1937.Â
ââSon pĂšre nâa jamais cessĂ© de sâinvestir dans lâapprentissage de ses enfants, garçons et filles. Il assura cet apprentissage ou le confia Ă des maĂźtres coraniques quâil avait lui-mĂȘme dĂ©signĂ©sââ, Ă©crit le professeur Thierno Ka, islamologue, dans un livre intitulĂ© ââLes grandes figures islamiques du SĂ©nĂ©gal : Sayda Maryama Niass, serviteur du Saint Coranââ.
 PubliĂ© en 2013 par lâInstitut fondamental dâAfrique noire de lâUniversitĂ© Cheikh-Anta-Diop de Dakar, cet ouvrage retrace la vie et lâĆuvre de cette personnalitĂ© fĂ©minine : ses Ă©tudes, lâenseignement, lâĂ©ducation, le dĂ©veloppement et les relations solides quâelle a su tisser avec plusieurs pays du monde, de lâAfrique aux AmĂ©riques, de lâAsie Ă lâEurope.Â
La jeune Maryama Niass est confiĂ©e Ă la famille de Cheikh Mouhamed Ould Ar-Rabbani, en Mauritanie, comme la plupart de ses frĂšres et sĆurs, pour complĂ©ter son apprentissage et sa mĂ©morisation du Coran.Â
 ââLa tradition voulait que cet apprentissage soit dâabord assurĂ© par Cheikh Ibrahima Niass avant tout transfert auprĂšs de Cheikh Mouhamad Ould Ar-Rabbani. Ce dernier fut le maĂźtre de la plupart des fils de Cheikh al Islam (Baye Niass), de ses neveux et de ses disciplesââ, explique M. Ka.Â
Câest pendant cette pĂ©riode que la jeune Maryama Niass mĂ©morise parfaitement le Coran et fut honorĂ©e gĂ©nĂ©reusement par son pĂšre, conformĂ©ment Ă la noblesse du livre saint, Ă©crit Thierno Ka, ajoutant que ââlâobjectif pour Baye Niass fut dâencourager et dâinciter de maniĂšre directe ou indirecte les gens au savoirââ.
 ââMon pĂšre mâavait donnĂ© de lâargent, de lâor et dâautres valeurs quand jâavais fini de mĂ©moriser le saint Coran. Il avait fait de moi une princesse, tellement il Ă©tait aux anges en voyant ses [enfants maĂźtriser] merveilleusement le Coranââ, avait lâhabitude de dire Cheikha Maryama Niass lors de ses interventions publiques.
 AprĂšs une dĂ©cennie dâapprentissage et de mĂ©morisation du livre saint, Maryama Niass fut initiĂ©e aux sciences juridiques et Ă lâarabe par son propre pĂšre. ââCâest Baye Niass lui-mĂȘme qui Ă©tait chargĂ© de ses enseignements, selon le programme et le manuel en vigueur dans les foyers dâĂ©tudes islamiques traditionnels au SĂ©nĂ©gal et en Afrique au sud du Sahara. Chaque foyer adopte une mĂ©thode particuliĂšre pour dispenser diffĂ©rentes disciplines. Câest une phase qui exigeait de grands efforts, Ă plus forte raison pour les filles musulmanesââ, souligne M. Ka, ancien commissaire gĂ©nĂ©ral du SĂ©nĂ©gal, chargĂ© des pĂšlerinages Ă La Mecque. Â
ArrivĂ©e Ă une bonne maĂźtrise de lâarabe et des sciences islamiques, Cheikha Maryama Niass se chargera, selon les vĆux de son pĂšre, de lâenseignement du Coran Ă lâĂ©cole de son pĂšre Ă MĂ©dina Baye.
 ââCette pĂ©riode oĂč elle Ă©tait avec son pĂšre est considĂ©rĂ©e comme Ă©tant une phase prĂ©liminaire pour les autres Ă©tapes Ă venir, qui allaient adjoindre les exigences de la vie conjugale au mĂ©tier dâenseignant dans un autre univers quâest Dakar (âŠ) oĂč elle doit assurer cette fonction noble avec la construction dâune nouvelle famille Ă©duquĂ©e aux vertus islamiques et humanitaires louablesââ, Ă©crit Thierno.Â
En 1952, Cheikha Maryama Niass rejoignit Ă Dakar son Ă©poux, El Hadji Oumar Kane, un toucouleur originaire du Fouta Toro ââpour crĂ©er une sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur des bases et des traditions variĂ©esâŠââ
 Dans la demeure conjugale, elle cumula plus tard lâenseignement, les activitĂ©s mĂ©nagĂšres et familiales, et lâaccueil des disciples de Baye Niass, la maison de son Ă©poux Ă©tant la destination prĂ©fĂ©rĂ©e des hĂŽtes venus du Saloum, du Fouta et dâailleurs, selon M. Ka.
 ââDe 1952 Ă 1960, lâĂ©cole coranique dirigĂ©e par Cheikha Maryama Niass a fait un grand rayonnement au SĂ©nĂ©gal et Ă lâextĂ©rieur. Elle accueillait sur autorisation de son Ă©poux et de son pĂšre des vagues de disciples parmi lesquels on peut compter des fils et filles des chefs religieux du SĂ©nĂ©galââ, ajoute Thierno Ka.
 LâĂ©cole coranique est devenue entretemps un institut international frĂ©quentĂ© par des Ă©lĂšves venant de plusieurs pays dâAfrique et du monde, donnant Ă lâĂ©tablissement une autre allure, aussi bien dans sa dimension physique que dans lâĂ©volution de son contenu pĂ©dagogique.
 ââPersonne ne peut vous dire avec exactitude combien dâĂ©lĂšves nationaux et Ă©trangers elle a formĂ© Ă lâapprentissage, Ă la mĂ©morisation du saint Coran et Ă dâautres domaines pĂ©dagogiques. Ce sont des vagues dâĂ©trangers venant de toutes les contrĂ©es du mondeââ, sâest Ă©tonnĂ© Cheikh Mouhamidna Ibrahima Niass, prĂ©sident de la Jamhiyatu Ansaru Din, un mouvement qui revendique 450 millions de membres, tous des disciples de Baye Niass vivant dans plusieurs pays.
 Cheikha Maryama Niass, sĆur ainĂ©e de lâactuel khalife de MĂ©dina Baye, multiplia les activitĂ©s culturelles et Ă©conomiques, pour lâexpansion de son Ă©tablissement coranique. ââEntre 1985 et 1989, Cheikha Maryama Niass a menĂ© beaucoup dâactivitĂ©s culturelles, dont lâorganisation de colloques qui avaient souvent lâenseignement coranique comme thĂšme centralââ, fait remarquer lâancien commissaire gĂ©nĂ©ral du SĂ©nĂ©gal, chargĂ© des pĂšlerinages Ă La Mecque.
 Lâanimation dâune Ă©mission Ă la tĂ©lĂ©vision nationale sĂ©nĂ©galaise (dans les annĂ©es 1980), la crĂ©ation dâune agence de voyage consacrĂ©e au ââhadjââ (pĂšlerinage Ă La Mecque) et Ă la ââoumraââ (petit pĂšlerinage aux lieux saints de lâislam), le dĂ©veloppement de plusieurs activitĂ©s commerciales et la participation de son Ă©cole coranique Ă des concours internationaux de rĂ©citation du Coran confĂšrent une renommĂ©e internationale Ă Cheikha Maryama Niass.
 Auparavant, dans les annĂ©es 1970, elle effectue plusieurs voyages Ă lâĂ©tranger et tisse de solides relations avec les dirigeants des pays visitĂ©s. ââCheikha Maryama Niass avait commencĂ© par lâEurope oĂč elle a brandi le drapeau de lâislam en soutenant le dialogue islamo-chrĂ©tien, en prenant part Ă plusieurs colloques internationaux au moins dans trois continentsââ, rappelle Thierno Ka.
 ââLe voyage le plus important de Cheikha Maryama Niass est celui de 1975 pendant lequel elle se rendit Ă nouveau Ă La Mecque et au Moyen-Orient. Il sâensuivit ceux de 1982 et de 1984, qui lui permirent de nouer des contacts dans diffĂ©rents pays du monde arabe, dans le but de collecter des dons et des financements pour les besoins pĂ©dagogiques, sociaux et religieux de son Ă©coleââ, mentionne le chercheur de lâInstitut fondamental dâAfrique noire.
En 1987, elle se rend à Oman et aux Emirats arabes unis, ce qui lui permit de mieux développer son école coranique.
 ââUn jour, Cheikha Maryama Niass a Ă©tĂ© reçue par le roi dâArabie Saoudite. Elle Ă©tait accompagnĂ©e par quelques-uns de ses Ă©lĂšves. Ces derniers ont rĂ©citĂ© quelques litanies coraniques.
Le roi en Ă©tait tellement sĂ©duit quâil demanda Ă Cheikha Maryama de venir sâinstaller en Arabie Saoudite aux frais du royaume pour apprendre le Coran aux fils et filles de la famille royale. Mais ma mĂšre avait dĂ©clinĂ© cette offre gĂ©nĂ©reuse et honorifiqueââ, raconte Cheikh Tidiane Kane dit Ben, son fils aĂźnĂ©. Â
Cheikha Maryama Niass entretenait aussi de bonnes relations avec le prĂ©sident sĂ©nĂ©galais de lâĂ©poque, Abdou Diouf, avec lâancienne premiĂšre dame Viviane Wade, avec lâactuel chef de lâEtat aussi, Macky Sall, selon Thierno Ka, qui rappelle les ââlettres de facilitation signĂ©es par le prĂ©sident Diouf Ă des homologues ou à des structures internationales, en faveur de lâĂ©cole coranique de Cheikha Maryama Niassââ. ââCâĂ©taient des relations de trĂšs haut niveau.
En 1988, lors de la visite [du] prĂ©sident algĂ©rien Chadli Bendjedid au SĂ©nĂ©gal, Cheikha Maryama Niass avait su tisser des relations de coopĂ©ration avec lâhĂŽte algĂ©rien
. En 1989, elle Ă©tait Ă lâinitiative du renouvellement des relations diplomatiques entre le SĂ©nĂ©gal et lâIran. Elle a fait de mĂȘme en 1999, entre le SĂ©nĂ©gal et le Soudanââ, lit-on dans ââLes grandes figures islamiques du SĂ©nĂ©gal : Cheikha Maryama Niass, serviteur du saint Coranââ.Â
Hommage a Ă©tĂ© rendu Ă Cheikha Maryma Niass par le prĂ©sident de la RĂ©publique. ââLe SĂ©nĂ©gal et la Oumma islamique viennent de perdre une de leurs illustres filles, Seydah Maryama Niass. Grande promotrice de lâĂ©ducation des jeunes filles, elle a rendu service Ă la scienceââ, Ă©crit Macky Sall sur un rĂ©seau social, aprĂšs lâannonce du rappel Ă Dieu de cette grande figure de lâenseignement coranique au SĂ©nĂ©gal.
La dĂ©funte sera inhumĂ©e lundi aprĂšs-midi Ă MĂ©dina Baye, oĂč repose son vĂ©nĂ©rĂ© pĂšre. Sayda Maryama Niass a reçu beaucoup de distinctions nationales et internationales pour les services quâelle a rendus au secteur de lâĂ©ducation.Â
 Elle a reçu plusieurs distinctions de lâambassade des Etats-Unis dâAmĂ©rique au SĂ©nĂ©gal pour son leadership et sa contribution Ă la formation de nombreux jeunes AmĂ©ricains Ă la mĂ©morisation du Coran.
 En 2013, Macky Sall a rĂ©compensĂ© de lâOrdre national du mĂ©rite cette mĂšre de huit enfants dont un haut fonctionnaire de la Banque centrale des Emirats arabes unis, et le professeur Ousmane Kane, enseignant-chercheur Ă lâuniversitĂ© de Harvard, aux Etats-Unis dâAmĂ©rique.
APS