🔴Contribution : Covid-19, démission coupable
Pour certains membres de l’élite bien-pensante de notre cher Sunugaal, c’est faire un mauvais procès à nos autorités, que de les taxer d’avoir contribué à démotiver de larges franges de notre population dans l’application des gestes-barrières. Faisant dans un équilibrisme de mauvais aloi, ils accablent le citoyen lambda, prétendument coupable d’indiscipline, relativisant ainsi l’écrasante responsabilité des pouvoirs publics dans l’impasse, dans laquelle se trouve la lutte contre la pandémie.
ENTRE REPLIS TACTIQUES ET ARRIÈRE-PENSÉES MERCANTILES
C’est pourtant notre gouvernement, qui a revu et corrigé sa stratégie initiale basée sur les interventions non pharmaceutiques, qu’il ne pouvait plus maintenir dans toute sa rigueur, sans certaines mesures d’accompagnement, notamment celles relatives à la résilience économique et sociale.
Résultats des courses, tous les grands moments, qui devaient consacrer les progrès décisifs vers l’arrêt de la propagation du virus ont, au contraire, acté des replis tactiques successifs qui finiront par occasionner une reddition pure et simple devant le terrible virus.
On ne peut que se féliciter du fait qu’un bémol ait été mis à cette centralisation excessive ayant consisté à procéder à l’internement dans des hôpitaux de niveau III de tous les cas positifs, y compris de sujets asymptomatiques et à isoler tous les contacts dans des hôtels. Rétrospectivement, certains syndicalistes se demandent s’il ne s’agissait pas tout simplement de capter la manne financière de la COVID-19.
Au total, très peu a été fait pour relever les plateaux techniques hospitaliers, pour améliorer la gouvernance sanitaire, ou résorber les dettes faramineuses dues aux structures de santé et aux mutuelles de santé.
MIMÉTISME VIS À VIS DE L’ANCIENNE MÉTROPOLE
Alors qu’on s’attendait à la rupture d’avec cette démarche bureaucratique et verticale et à la responsabilisation accrue des districts sanitaires ainsi qu’à l’implication des communautés, le ministère de la Santé semble opter pour d’autres solutions.
Il ressort de l’analyse rapide des nouveaux algorithmes dudit Ministère, le même esprit de mimétisme par rapport aux recettes appliquées dans l’ancienne métropole.
Une politique de dépistage restrictif, ne ciblant que les patients symptomatiques, ne pourrait, à la limite, se justifier que dans un contexte de réduction drastique des interactions sociales, pouvant aller jusqu’au confinement généralisé, avec en arrière-plan, la hantise de la saturation hospitalière.
Or, notre pays a dépassé, depuis belle lurette le niveau de saturation de ses hôpitaux, comme en témoignent la prise en charge extrahospitalière ou tout dernièrement, celle domiciliaire. Si on y ajoute le non-respect, tant décrié, des mesures barrières par les populations, la décision de ne pas tester des cas-contacts considérés comme « non vulnérables » relève, si ce n’est de l’irresponsabilité, tout au moins de l’inconscience. En effet, ignorer les cas positifs asymptomatiques, d’autant plus contagieux qu’ils ignorent leur statut virologique, revient à augmenter le taux de reproduction et favorise l’extension de la pandémie. À contrario, une personne présentant des symptômes évocateurs pourrait être traitée, sans dépistage, sur la base d’un diagnostic présomptif, et serait plus encline au respect des mesures barrières.
En définitive, en privilégiant le dépistage des patients symptomatiques, le gouvernement met davantage le focus sur la prise en charge curative au détriment des aspects préventifs.
SANS DÉPISTAGE, L’ÉPIDÉMIE DEVIENT SOUTERRAINE
Le dépistage aidera d’autant mieux à contrôler la pandémie, s’il est réalisé dans des réseaux de soins de proximité et non centralisé dans deux grands instituts (Institut Pasteur, IRESSEF).
En Allemagne, par exemple, le dépistage massif (500.000 tests par semaine) et le fait que 8 tests sur 10 étaient réalisés en médecine de ville et non à l’hôpital ont permis de juguler très rapidement la pandémie avec un faible nombre de morts sans commune mesure avec les autres pays occidentaux.
En France, comme au Sénégal, par contre, on s’intéresse surtout aux cas hospitaliers et aux personnes malades, qui ne constituent que le sommet de l’iceberg. Si en France, ces errements ont pu être atténués par le confinement généralisé, les autorités sanitaires sénégalaises se sont elles-mêmes volontairement privées des outils pour identifier les chaînes de transmission individuelle et les sources de contamination.
Par ailleurs, les données statistiques tendent à perdre en vraisemblance. Les nombres de cas positifs et de décès semblent sous-estimés, au regard de la circulation active du virus. Elles pêchent aussi par leur manque de cohérence avec des écarts entre le nombre de cas graves et celui de décès (mortalité de 60% environ selon les sources officielles).
Tant et si bien que la pandémie tend à devenir silencieuse avec des statistiques très peu fiables qui risquent de ne satisfaire ni aux critères de l’Union Européenne sur la réouverture des frontières, ni à l’évaluation de notre réaction globale face à la pandémie de Covid-19. Il s’agit, entre autres, du dépistage, du traçage des contacts ou encore de la fiabilité des informations et sources de données disponibles.
Les tests de dépistage constituent un outil irremplaçable pour contrôler la pandémie selon la formule des 3 T (test, track and treat). Mais dans nos pays, en raison de pesanteurs socioculturelles et de pénuries de toutes sortes, ils doivent s’intégrer dans une démarche d’ensemble basée sur la mise en œuvre de la communication sur les risques et l’engagement communautaire.
Dr Mohamed Lamine LY
Médecin spécialiste en santé publique