Actualité Société

Procès pour viol : Dix ans de prison requis contre Ousmane Sonko, le principal opposant à Macky Sall

En cas de condamnation, l’homme politique sénégalais, absent du tribunal mardi 23 mai, ne pourra pas se porter candidat à la présidentielle de l’an prochain.

C’est l’épilogue d’un feuilleton sordide qui tient le Sénégal en haleine depuis plus de deux ans. L’enjeu du procès retentissant qui s’est déroulé mardi 23 mai à Dakar est aussi criminel que politique. Dans la nuit, au terme d’une audience marathon qui s’est étirée sur dix-sept heures, le procureur a requis dix ans de réclusion à l’encontre d’Ousmane Sonko, 48 ans, principal opposant au pouvoir en place, pour «viols», et cinq ans pour «corruption de la jeunesse». Le jugement, mis en délibéré, est attendu le 1er juin. En cas de condamnation, l’homme politique, déclaré inéligible, verrait s’envoler ses chances de concourir à l’élection de présidentielle de 2024.

Mardi, la plaignante de 19 ans, Adji Sarr – employée à l’époque d’un salon de beauté de la capitale –, avait troqué sa tenue blanche de l’audience précédente pour une robe rouge vif et un foulard assorti. Mais d’Ousmane Sonko, il n’y avait nulle trace. De fait, l’opposant politique, très populaire auprès de la jeunesse, est retranché depuis une dizaine de jours dans son fief à Ziguinchor – une ville de Casamance dont il est maire, à 450 km de Dakar.

Le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), avait annoncé qu’il ne répondrait plus aux convocations de la justice sans «garantie de l’Etat pour son intégrité physique». Ses supporteurs montent une garde étroite autour de son domicile pour parer une éventuelle tentative de l’amener de force au tribunal.

Bien présente dans la chambre criminelle du tribunal régional de Dakar, son armada d’avocats a échoué à faire «renvoyer» le procès ; ils ont donc choisi de quitter la salle, en fin de matinée, sous les yeux de plusieurs centaines de spectateurs, mais aussi des forces de l’ordre et des membres du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), encagoulés de noir. Devant l’entrée du tribunal, devant un ballet de caméras, ils ont dénoncé «une parodie de justice».

Dans Dakar, la tension était palpable, comme à chaque convocation judiciaire d’Ousmane Sonko. Les artères stratégiques de la capitale étaient quadrillées par les véhicules blindés des forces de l’ordre, les motos n’avaient pas le droit de circuler, certaines écoles étaient fermées.

Remous dans la salle d’audience

Entendue en début d’après-midi, Adji Sarr a créé des remous auprès du public de la chambre criminelle du tribunal régional de Dakar, en décrivant avec moult détails, à la barre du tribunal, le type de massages proposés au sein du salon Sweet Beauty, comme le «nourou massage» : «Le client et la masseuse se mettent nus, après ça, tu verses l’huile sur les parties intimes de ton client puis tu te mets sur lui en le caressant jusqu’à l’éjaculation».

La jeune femme d’un peu plus de 20 ans, à la voix claire et assurée, a maintenu ses accusations, en langue wolof, assurant avoir été violée à cinq reprises par Ousmane Sonko, dans l’enceinte du salon. Elle a relaté sans détour les actes sexuels que le leader du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) lui aurait imposés entre fin décembre 2020 et début février 2021, jusqu’au dépôt de sa plainte qui a bouleversé le monde politique sénégalais.

La plaignante a aussi rapporté les menaces de mort dont elle dit avoir fait l’objet, autre chef d’accusation retenu contre Ousmane Sonko : «Il a menacé de me faire licencier si j’en parlais ou de mettre à mes trousses des jeunes pour me régler mon compte.» L’homme politique venait armé au salon de massage, a-t-elle déclaré : «J’ai eu peur en voyant les armes avec lesquelles il menaçait de me tuer.» Pour sa part, Ndeye Khady Ndiaye, la patronne du salon de massage Sweet Beauty, – vêtue de rouge également –, accusée d’incitation à la débauche et de complicité de viol, a rejeté l’hypothèse de viols.

«Je la défends en faisant des vidéos sur Tik-Tok»

Anta Diaw, 57 ans, n’a pas eu la force d’écouter le témoignage d’Adji Sarr jusqu’au bout. «Sa description des massages proposés dans le salon, c’était de la pornographie en direct, ce sont des consignes qu’on lui a données pour salir Ousmane Sonko», débriefe-t-elle, en bouillonnant, dans les couloirs du tribunal. «Si Sonko est condamné, une partie du pays va brûler, les jeunes ne l’accepteront pas», poursuit cette agente immobilière en robe blanche à fleurs, qui tenait à assister au procès.

Un peu plus loin, Mamadou Moustapha Diallo, 26 ans, sans emploi, était là pour supporter son leader. «Le juge pose des questions qui n’ont rien à voir avec le supposé viol», s’insurge-t-il. «Le but du procès, c’est de l’humilier, Ousmane Sonko l’a bien compris, il a bien fait de ne pas venir», dit-il, un pin’s aux couleurs du pays épinglé sur son costume traditionnel.

Perchée sur ses hauts talons, dans un deux-pièces violet pétant, Sarata Djiba était pour sa part venue soutenir Adji Sarr – à l’image des femmes qui ont manifesté devant le tribunal dans la journée, en demandant justice pour leur sœur sénégalaise, pancartes à l’appui. «Je la défends en faisant des vidéos sur mon compte Tik-Tok, je sais comment ça se passe dans les salons de massage, des filles innocentes, qui débarquent à Dakar, sont utilisées. Il y a un vrai problème autour des droits des femmes dans ce pays», estime-t-elle, en revenant dans la salle d’audience, après un passage au cabinet.

Garde étroite

De son côté, le leader de l’opposition, 48 ans – qui a deux femmes et six enfants –, arrivé troisième à la présidentielle de 2019, avait déjà reconnu être allé se faire masser au salon de massage Sweet Beauty d’Adji Sarr pour apaiser des «douleurs de dos chroniques». Mais il a toujours réfuté les accusations de viol et crie au complot du pouvoir pour l’écarter de la présidentielle. Au début du mois, Ousmane Sonko avait déjà écopé en appel de six mois de prison avec sursis pour «diffamation» et «injure publique», dans une autre affaire. Une condamnation qui suffirait à le rendre inéligible si elle venait à être confirmée.

Partagez la bonne info avec vos amis

Journaliste et Blogueur, Fondateur du Blog de la Jeunesse Consciente.
Follow Me:

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *